Voyage en Homophobia

Il y a des dimanches, où l’absence de gueule de bois me donne envie de me balader dans Paris.
Hier, comme beaucoup de gens, j’ai pu voir ce défilé affligeant de réflexions douteuses. Je viens ici jouer les reporters-analystes en carton toujours plus noble que ce que je peux lire sur twitter ou facebook de la part de « bons citoyens ».
Commençons par le début. Je suis une demi-citoyenne. Moitié bonne mère, moitié nan. Cela dépendra de qui voudra bien de moi au long terme. Je suis une licorne, une dévergondée dégoûtante : une bisexuelle.
La première chose qui choque quand on arrive aux alentours du cortège ce dimanche 13 janvier, ce sont les enfants. Il fait très froid, très gris et il y a des enfants partout. Des petites choses qui ne savent même pas si elles sont hétéros, homos, zoophiles, fans de SM, ou abstinentes. Ils ne sont pas encore obsédés par le sexe contrairement à leurs parents pour qui la sexualité des autres semble un truc vachement important. Bel exemple pour la jeunesse, très petite jeunesse d’ailleurs, car les jeunes adultes (20/30 ans) il n’y en a pas des masses.
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désolée pour le flou hein…
Ils étaient très nombreux, c’est vrai. Beaucoup de trous dans la manif mais nombreux. Et cela s’explique facilement quand vous arrivez aux Invalides, des dizaines de cars viennent de toute la France, financés par l’association « la manif pour tous » donc on parle peu des financements. D’Invalides au pont de l’Alma, ils étaient partout. A ce moment-là, le calcul est simple : les pros viennent de Paris et de sa banlieue puisque leur voyage de la province n’est pas payé et donc ils sont moins nombreux. Il faut rendre à Jules ce qui appartient à César : le chiffre est facile quand on pioche sur la population nationale.
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 On mobilise grave à marchenoir ouz..ourz.. dans la province quoi.
Ce qui signifie donc, que si (et je vous jure qu’après 10 ans de militantisme, je sais apprécier le nombre de manifestants) par miracle ils étaient 1 million, cela signifie qu’ils sont 1 million sur l’ensemble de la France à penser cela. Les manifs Anti CPE mobilisaient plus, rien qu’en Île-de-France et pourtant à cette époque les dirigeants de l’UMP, soutiens de la manif pour tous, disaient que ce n’était pas à la rue de diriger. Sous Sarkozy, on nous expliquait qu’il avait été élu pour ses propositions par la majorité des français ; ceux qui manifestaient n’avaient plus aucun pouvoir sur les projets de loi. C’est drôle comme d’un coup l’argumentaire est considéré comme déplacé et sans fondements et le débat devenu une nécessité pour la démocratie.
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Frigide poète…parce qu’on fait faire aussi de la svt aux enfants.
Il est scandé dans les médias et réseaux sociaux que les manifestants veulent un débat. J’ai tenté d’en avoir, il n’y en a aucun. Hochements de tête et sourire bêtes quand je dis à un couple portant la pancarte « il n’y a pas d’ovule dans les testicules » (amis de la poésie bonsoir) que toute homosexuelle que je suis, j’ai eu le droit au lycée moi aussi à des cours de science naturelle. Et ma copine d’ajouter qu’elle est un futur médecin lesbienne et pourtant au fait de cette vérité troublante ! Messieurs, vous n’éjaculerai donc jamais un ovule, le mystère est résolu.
On trouve ainsi d’autres pancartes instructives telles que « made in papa et maman » et autres petites phrases montrant l’intérêt qu’ils portent à la vie sexuelle. La fameuse « touche pas à mon sexe » de Frigide Barjot me faisait penser quand même « aucune chance, jamais, même si on était les dernières survivantes de la colère de dieu sur la France pleine de pds ».
Toutes ces pancartes sont portées avec joie. Je vois quelques enfants qui pleurent (marcher dans le froid, ce n’est pas facile à 6 ans) mais les adultes sont globalement très souriants. J’ai alors compris que certains n’avaient même pas conscience de la violence qu’ils exerçaient à ce moment-là. Le débat en est venu à un point où l’on oublie que l’on parle de gens et de familles qui existent bel et bien et qui entendent un débat les mettant aux bancs de la société, les montrant comme déviants, anormaux, irresponsables et inapte à fonder une famille équilibrée (sans qu’il ne soit fait preuve de cette inaptitude). On oublie pourtant que non seulement les homos aussi sont « made in papa et maman » bien hétéro pour la grosse majorité et que des familles hétérosexuelles (parfois même catholiques) créent des enfants déséquilibrés, fragiles, psychotiques…. Je ne dis pas que ça n’arrivera jamais à un couple gay, je dis que c’est la vie.
Pendant mon périple qui ressemblait plus au chemin de croix, j’ai croisé deux maires UMP à qui j’ai voulu poser une question. Après qu’ils m’aient confirmé leur attachement à Frigide Barjot, j’ai demandé s’ils connaissaient son clip « Fais-moi l’amour avec deux doigts » et si ce genre d’humour était pour eux de bon goût et digne d’une l’hideuse (jeu de mot attention) d’un mouvement prônant une grande moralité. Ma réponse sera un « ho vous savez on n’est pas très internet nous ».
Malaise.
Avant de quitter la manifestation j’ai demandé à un membre de la croix rouge s’il y avait eu des blessés. On me répond que oui mais on semble gêné par ma question sur les circonstances. Concluez en ce que vous voulez mais sachez que je n’ai jamais vu une manif qui regroupait le GUD, le FNJ, la JI et la JN se finir autrement qu’avec une petite ratonnade bien de chez nous.
Mon calvaire s’arrêtera peu après cela. Pour reprendre sur le net… Sur facebook, on m’annoncera que l’homosexualité est une déviance au même titre que la zoophilie et que cela n’est pas homophobe… Et sur twitter, que si on légalise la PMA pour les lesbiennes autant légaliser le vol d’enfants et qu’il n’est pas homophobe de dire que l’homosexualité est une déviance. Cela dis peut être somme nous déviant mais on est nous aussi des enfants d’hétéros. Alors si les hétéros peuvent produire des gens déviants peut être que nous nous arriverons a avoir des enfants un peu plus équilibrés..
Quand je fais le bilan de tout cela hélas, ce n’est pas une envie de dialogue qui me vient mais bien une phrase vue sur une pancarte aux manifs pro : « je veux les mêmes droits que les hétéros, pas leur avis ». J’ai envie de ne plus payer les impôts qui servent à financer les services auxquels on me refuse l’accès comme l’éducation, les allocations familiales, ou qui permettent que l’on accepte de faire des abattements fiscaux aux couples qui ont choisi de se marier.